vendredi 12 juillet 2013

Traces - Elisée Reclus




Elisée Reclus - Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.
Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.
Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.
Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.
Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.
N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.
Je vous salue de tout cœur, compagnons.

Elisée Reclus, lettre adressée à Jean Grave, insérée dans Le Révolté du 11 octobre 1885



ÊTRE SÉNATEUR, DÉPUTÉ OU PRÉFET, ÊTRE BIEN LOGÉ,
AVOIR CHAUFFEUR, RECEVOIR LES GENS,
PARLER DÉMOCRATIE ET INTÉRÊT GÉNÉRAL,
DONNER DES LEÇONS, OFFRIR STYLOS ET PORTE-CLEFS...



Visite guidée
Ces peintres, alors très en vogue, exposés aux Salons de Paris, parfois médaillés, parfois achetés par l'Etat, et bientôt nommés avec dérision « les Pompiers », sont aujourd'hui tombés dans l'anonymat. La peinture semble, selon la critique autorisée qui lui préfère les installations, la photographie, se cantonner désormais à l'amateurisme. Mais la mode passe, comme les générations, inexorable ! Alors à l'avenir, qu'en sera-t-il du crédit de l'art contemporain ?
Comme dans d'autres domaines, les Arts n'échappent pas au mimétisme et celui-ci y est peut-être même omniprésent. A partir du moment où une célèbre institution, faisant référence, possède dans ses collections un type d'œuvre, les autres ne manqueront pas de suivre le mouvement. Autrement dit, quelques artistes au goût du jour auront ainsi l'avantage de voir un certain nombre de leurs productions acquises, avec le soutien d'élus et de fonctionnaires, par une majorité de Fonds d'art secondaires. L'argent public n'a vraiment pas de prix ni d'odeur !