Au temps des "Lambiotte", l'usine garde son esprit
paternaliste. Le patron se doit de connaître chaque ouvrier par son nom et on
pratique la politique des petits cadeaux. A la naissance de Georges Lambiotte,
en 1928, son père Auguste fait distribuer du vin en quantité aux ouvriers. En
1954, pour la naissance des jumeaux Lambiotte, la tradition est respectée et
chaque employé reçoit deux bouteilles de Pouilly. Au moment du départ en
retraite, chacun a droit à un cadeau.
On ne produit pas que du charbon de bois à Prémery.
De la carbonisation et de la distillation on peut extraire quelque cent-dix
produits dérivés comme le formol, l'acide acétique, la créosote, pour ne citer
que les principaux sans oublier bien sûr tous les produits à usage
pharmaceutique.
La production la plus curieuse reste celles des
arômes alimentaires. Lambiotte parfume les confitures, les bonbons, les crèmes.
Un arôme renforce le goût du beurre et Prémery sera longtemps l'unique
fabriquant de l'arôme à la saveur de fraise des bois - Tagada.
Comme toutes les usines "chimiques", celle de
Prémery génère ses nuisances. Il y a l'odeur de la carbonisation qui flotte en
permanence. L'odeur est très tenace et finit par imprégner les vêtements. Dans
les magasins on entend dire : " Tiens, un Lambiotte est passé par là !" Des
fumées noires retombent aussi parfois sur la cité et les eaux polluées
ruissellent jusqu'à la Nièvre toute proche. Il existe un risque permanent
d'incendie et, en 1947, une explosion dans le stockage du celluloïd provoqua le
décès de deux ouvriers. Il n'est donc pas étonnant que le site ait fini par être
classé "Seveso".
Extrait des Grandes heures du Mouvement Ouvrier
dans la Nièvre/ Maurice Joinet/ avril 2004