Eloge de l’Image - Vive la peinture et la contestation !
Une quinzaine de peintures mais plus d’une centaine de grandes
photos.
Mais qui se souvient encore des jeunes filles en fleurs de Jules Lefebvre
(1836 -1911), le peintre académique couvert d'honneur, officier et même
commandeur de la Légion d'Honneur, membre de la toute puissante Académie des
Beaux-Arts et professeur de la renommée Académie Julian ?
Le jour du décès du célèbre peintre, Picasso a alors tout juste trente ans
et ses "Demoiselles d'Avignon" en ont quatre.
Sous prétexte de recherche, de modernité et d'innovation, l'Image désormais
change de forme, peut-être davantage pour le pire que le meilleur ?
D'un XXe siècle riche en diversités, les institutions et l'histoire de
l'art retiennent et mettent en exergue surtout les formes d'expression plastique
dont l'objectif consiste principalement :
- soit à se manifester sur un mode sommaire et iconoclaste,
- soit à retrouver la source primitive et instinctive de l'acte
créateur.
A partir de ces remarques, les hommages représentent une rupture avec la
notion couramment admise d'art contemporain.
Institutions and the history of art only retain from the rich diversities
of 20th century art forms such works as are mainly concerned with two
objectives:
Drawing attention in a crude and iconoclastic fashion or retracing the path
to the primeval and instinctive act of creation.
"Les Hommages" is thereby an ensemble of paintings that came into existence
in reaction against minimalism and conceptual art. They deliberately break away
from the commonly accepted view of contemporary art.
L'achat d'oeuvres par les institutions permet à une poignée d'artistes de
ne se consacrer qu'à leur art. Pour d'autres, plus nombreux, une représentation
imagée et traditionnelle de l'environnement constitue l'assurance d'un gain plus
ou moins régulier.
Toutefois, et malgré ces positions opposées, la plupart des artistes
souhaitent que leurs oeuvres soient exposées, reconnues et si possible
rémunérées, et il demeure difficilement contestable que la reconnaissance
sociale de tout créateur vivant consiste aussi pour celui-ci à trouver sa place
sur le marché.
Le pouvoir, qu'il se prétende socialiste ou libéral, cherche naturellement
à être suivi et obéi, à défaut d'être toujours soutenu ; artistes et oeuvres
d'art peuvent constituer des auxiliaires intéressants.
En fonction de leurs sensibilités, les artistes sont parfois amenés à se
déterminer par rapport à ce pouvoir, qu'il soit politique ou commercial, qu'ils
choisissent de le servir, de le contester ou de l'ignorer. Ils sont également
appelés à se positionner à l'égard de l'art dominant de leur époque,
c'est-à-dire actuellement la tendance conceptuelle et minimaliste.
En France, ces relations prennent une acception toute particulière :
révolutions ou, plus exactement, changement de majorités ne sont pas rares et il
paraît assez difficile d'échapper au débat politique et social du pays,
notamment en regard de l'héritage de 1789 et de ses principes.
Avant la Révolution, les artistes échappent rarement au statut de
courtisan ou aux commandes de l'Eglise. En tout cas, pour les plus reconnus
d'entre eux. Après, et en particulier au XIXème siècle, ceux qui relèvent de
l'Académie, sont quelque peu tributaires du goût du Second Empire puis de la
Troisième République.
Désormais, pour être soutenu, il faut appartenir au courant
conceptuel-minimaliste.
La République entérine ainsi une tradition française, déjà mise en oeuvre
par le pouvoir royal, poursuivie par l'Empire, et qui reste marquée par
l'engagement de l'Etat en faveur de l'art et de la culture. Dès lors, cette
spécificité nationale ne cessera pas de susciter débats et controverses.
Les premiers musées publics, la plupart du temps issus de la Révolution de
1789, ont été créés dans le but de montrer au plus grand nombre les principales
oeuvres des collections royales. Leurs fondateurs poursuivaient semble-t-il un
objectif pédagogique, moral, mais aussi politique. Ils se plaçaient surtout dans
une perspective historique, ce qui écartait en règle générale la présentation
d'oeuvre d'artiste vivant.
La fin du XIXème siècle verra émerger la notion d'art
"contemporain" qui contribuera involontairement à l'apparition d'une
avant-garde, groupe extrêmement restreint et en marge de l'art officiel d'alors
: l'académisme. Mais en 1929, l'isolement de ces artistes d'avant-garde
commencera à se rompre avec la fondation du musée d'art moderne de New York,
conçu pour les recevoir. Depuis, les institutions de ce type se sont multipliées
dans le monde occidental, en exerçant bien entendu une action déterminante à
travers les achats et les expositions, ce qui a fini par établir, puis
officialiser, une nouvelle norme esthétique notamment caractérisée par la
marginalisation de la peinture.
A partir de là et dans son principe, la politique française du mécénat
public en épousant fidèlement ce nouveau modèle, ressemble ainsi étrangement à
ce qu'elle était à la fin du XIXème siècle. A l'influence tendancieuse des
Salons de la Troisième République et du Second Empire s'est substitué le réseau
des Fonds et Centres d'art, toutefois avec le public en moins - détail
d'importance - qui hypothèque grandement la légitimité de l'art officiel de
maintenant, c'est-à-dire le conceptuel-minimaliste.
On peut également noter que l'exception culturelle française dont on entend
parler, en tout cas dans le domaine des arts plastiques, semble toute relative ;
les musées d'art moderne et contemporain - Centre Pompidou, FRAC - n'ont
finalement fait que suivre les tendances
proposées par le musée new-yorkais.
Aujourd'hui il faut bien admettre que l'objectif initial de démocratisation
de la culture, impulsé sous le ministère Malraux, a fini par s'essouffler.
Ainsi, dans le domaine des Arts Plastiques, force est de constater le peu
d'attention accordée aux oeuvres contemporaines par le public. Il est vrai que
l'avant garde en rompant avec l'Art au sens propre du terme, rend les impostures
toujours possibles et le manque de repères évidents.
Néanmoins les éléments de
continuité dans l'orientation de la politique culturelle, malgré les changements
de ministres, sont tout à fait remarquables déjà et sans doute à cause de la
permanence des groupes de pression. On peut penser que les mêmes professionnels
reconnus et bien en place souhaitent rester, quelle que soit la tendance, gauche
ou droite, les mêmes interlocuteurs incontournables et privilégiés des pouvoirs
publics.
Ces artistes et marchands établis peuvent parfaitement compter sur
l'inertie de la machine administrative française, mais aussi sur la relative
permanence des modes internationalement définies, en tout premier lieu par les
États-Unis. MV/ le 26/03/1998