dimanche 10 novembre 2013

Anatomie et morphologie


L'étude du squelette nous renseigne sur les formes et les proportions.
- Sur les formes, parce qu'en de nombreux endroits les os sont sous-cutanés et prennent part directement à la morphologie.
- Sur les proportions, parce que les os sous la peau peuvent fournir des repères fixes et invariables.
L'étude de l'ostéologie sera complétée par celle des articulations : arthrologie, puis par celle des muscles : myologie.
Le cadre osseux constitue le support anatomique et morphologique essentiel. Lorsqu'il n' est pas sous-cutané, il se trouve recouvert d'une enveloppe musculaire et d'une mince doublure de graisse.
Le squelette fournit des informations sur le caractère propre, par exemple chez la femme l'os iliaque, le bassin, est toujours plus large que chez l'homme.

La Specola à Florence, l'observatoire en italien, qui ouvrit ses portes au grand public le 21 février 1775, expose une collection unique en son genre. Il s'agit de cires anatomiques très détaillées et mises en scène dans des positions et gestes de la vie courante. Non seulement l'illustration anatomique est représentée en volume mais elle est également montrée de façon spectaculaire ce qui tranche radicalement avec les représentations habituelles gravées sur bois ou sur cuivre. Elle atteste aussi de cette tradition des dissections de cadavre humain qui remonte à la Renaissance et qui, au XVIIIème siècle, deviendra d'ailleurs un spectacle public payant et suivi avec intérêt.

Plusieurs méthodes de travail et certains moyens de contrôle facilitent le dessin d'un corps humain.
- Le canon égyptien : 19 fois le doigt médium dans la hauteur totale du corps.
- Le canon de Polyclète : la largeur de la main sert de référence.
Dans la statue du Doryphore la distance du sol au milieu de la rotule est égale à celle de la rotule au col du fémur ; de celui-ci au sommet du sternum et enfin à la largeur des épaules.
Dans la majorité des canons la tête a été prise comme unité. Huit fois dans la plupart des statues grecques dont le bas-ventre, en station debout, constitue le milieu du corps. Dans le canon dit "des Ateliers" la tête y est comprise sept fois et demi et l'extrémité des bras pendant le long du corps correspond généralement au milieu de la cuisse.

Les bras placés en prolongement, en position horizontale, et augmentés par la largeur des épaules constituent l'envergure. Les rapports de la taille avec l'envergure ont été exprimés dans la formule dite du "Carrés des Anciens", la figure humaine s'inscrivant alors dans un carré. Léonard de Vinci a complété cette figure en y superposant un sujet avec les jambes écartées inscrit dans un cercle dont le centre est l'ombilic.

L'art du nu académique
On entend généralement par "nu académique", d'abord un grand dessin, ensuite une peinture ou plus rarement une sculpture, représentant un ou plusieurs nus, nommé "académie", celle-ci se fait d'après un modèle vivant. C'est également le cours dispensé obligatoirement jusqu'en 1970 dans toutes les écoles des Beaux-Arts. L'exécution du nu est soignée et toujours figurative. Le corps doit être lisse et glabre avec un modelé travaillé et, si possible, sans construction apparente. Les poses sont variées et la référence originelle à la mythologie prendra avec le temps une importance secondaire.
De tout temps l'homme a aimé contempler un joli corps de femme, avec ou sans artifices. Quoi de plus naturel en somme que de se le représenter en dessin, en peinture, et l'artiste du XIXème siècle s'impose comme un incontestable spécialiste du genre.
Et le peintre, ou le sculpteur, aura toujours l'avantage sur le photographe de pouvoir regarder deux fois son modèle, de l'observer en nature et en train de se faire.


Mine de plomb

Academic Nudes of the 19th Century

William-Joseph Barbotin, Etudes académiques, Beaux-Arts de Paris

Ayant passé la barrière des épreuves comme les concours de Tête d’expression et de Torse, les élèves des Beaux-Arts peuvent arriver au concours du Prix de Rome. Celui-ci est ouvert à tout élève de sexe masculin et français ayant moins de trente ans. On trouve pour cette épreuve de jeunes garçons passés très tôt dans des ateliers privés et des « barbus » beaucoup moins jeunes.
Chaque année de nombreux participants se présentent aux trois épreuves. Ils doivent tout d’abord, en une journée, exécuter une esquisse sur un thème donné. Après une première sélection quinze jours plus tard, les concurrents retenus repartent pour une seconde épreuve : l’étude du nu d’après modèle vivant.
Les deux épreuves sont jugées conjointement et doivent obtenir l’agrément de la moitié du jury.
Alors, les quelques finalistes autorisés à « monter en loge », pour une durée de douze heures, exécutent une nouvelle esquisse, toujours d’après le sujet imposé, qui doit être très proche du tableau définitif. Ensuite, les prétendants au Prix auront 72 jours pour travailler un définitif sur une toile tendue sur châssis mesurant 1m13 x 1m46. Un grand prix ainsi qu’un second et deux autres prix sont généralement attribués.
Cf/ Cécile Ritzenthaler, ed. Mayer – Paris 1987


Lucien Penat, figure gravée d'après nature - 1902



Jean Coraboeuf, figure gravée d'après nature - 1898



Paul Canard, figure dessinée d'après nature - 1885



Albert Legrain, figure dessinée d'après nature - 1887

Dans l'enseignement du dessin selon les méthodes académiques françaises, l'élève s'exerce au dessin par la représentation d'un modèle posant nu, ce genre de dessin s'appelle académie.
La nudité n'allant pas dans les sociétés occidentales sans une certaine réprobation, principalement en ce qui concerne les parties du corps à caractère sexuel, il fallait une justification pour le dessin de nu. Pour Roger de Piles, le nu n'est pas une fin en soi, mais une étape de la formation de l'artiste et de l'exécution de la peinture ; il s'agit selon ce dernier : « avant que de disposer les draperies, dessiner le nu de ses figures, pour former des plis sans équivoque, et pour conduire si adroitement les yeux, que le spectateur s'imagine voir ce que le Peintre lui couvre par le jet de ses draperies. »
Allant plus en profondeur, l'artiste doit connaître l'anatomie, pour comprendre le mouvement des os et des muscles qui donnent forme à ce que l'on voit du corps ; c'est pourquoi le dessin de nu est aussi appelé « anatomie ».
La référence à l'Antique et la valorisation esthétique de la statuaire grecque et romaine rendaient aussi la nudité acceptable, voire nécessaire, pour les personnages mythologiques, allégoriques ou religieux. Même dans la religion chrétienne, certains sujets la justifient ou l'exigent, comme le baptême et la crucifixion du Christ, le martyre de Saint-Sébastien…


La Folie de Titania, Paul Gervais, 1897
huile sur toile - 350 x 520 cm
Achat au Salon en 1897, dépôt de l'Etat en 1905, Musée des Augustins, Toulouse

Le Songe d'une nuit d'été (A Midsummer Night's Dream), comédie de William Shakespeare.
C'est une histoire complexe dont l'action se déroule en Grèce et réunit pour mieux les désunir deux couples de jeunes amants : Lysandre et Démétrius d'une part, Hélèna et Hermia d'autre part. Hermia veut épouser Lysandre mais son père, Égée, la destine à Démétrius, dont est amoureuse Hélèna. Lysandre et Hermia s'enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Hélèna. Pendant ce temps, Obéron, roi des elfes, a ordonné à Puck de verser une potion sur les paupières de sa femme, Titania. Il entre dans la forêt avec Puck. Pendant la nuit, la confusion règne.
La scène la plus connue est l'apparition de Bottom, qui porte une tête d'âne, avec Titania, qui, par la magie de Puck, en est tombée amoureuse.


lundi 21 octobre 2013

Modèles et études

https://marc-verat-pdf.blogspot.com/


Usines désaffectées

La création du Centre d’Art de Pougues-Les-Eaux a eu le mérite d’ouvrir dans la Nièvre un débat entre : le subventionné et le non subventionné, les abstraits et les figuratifs, le national et le local mais aussi, selon le même schéma réducteur, la gauche-progressiste et la droite-conservatrice.
Les critères de référence du Centre, comme indiqué précédemment, reposent sur des valeurs conceptuelles et innovantes en opposition naturellement à la figuration imagée et anecdotique ; c’est-à-dire que pour lui l’oeuvre véritable, digne d’intérêt, sera l’installation d’un câble dans les anciennes Forges royales de Guérigny (1990), mais sûrement pas un paysage « Bords de Loire » accroché aux cimaises du Palais Ducal de Nevers par une Association locale de peintres amateurs.
Cependant, aucune de ces deux positions contraires : rejet des règles - rejet de la nouveauté, ne peut prétendre être l’apanage de l’art. A cet égard, la position de Kant, pour autant qu’elle puisse servir de base, montre qu’une position médiane peut toujours être envisagée.
Le point de vue soutenu par Eric Troncy qui prétend que les Centres d’Art n’ont aucun compte à rendre à l’histoire de l’art, que seule l’expérimentation demeure essentielle, est parfaitement concevable sans doute même défendable. Cette opinion se situe bien dans l’esprit iconoclaste et révolutionnaire du mouvement Dada. Néanmoins, l’innovation même a ses limites et les présentations des Centres d’Art répètent toujours le principe des « ready-made » cher à Marcel Duchamp.

dimanche 20 octobre 2013

Itinéraire, expositions

Autoportrait - La Plata, Argentine 1975

1968 -1974
Etudes aux Beaux-Arts de Reims et Besançon.
Janvier 1974
Première exposition personnelle - Nevers.
1975-1976
Inscription aux Beaux-Arts de La Plata (Argentine) 
1977-1979
Peintre professionnel WIP SA, 40 Champs Elysees-Paris.
Octobre 1980
Exposition Galerie Art Promotion - Dijon.
Novembre 1980
Salon des Artistes Arts & Métiers, Hotel de Ville - Paris.
Avril 1985
Exposition Galerie Alumine - Paris.
Juin 1985
Exposition Supelec - Jouy-en-Josas.
Décembre l985
Exposition Banque Populaire - Nevers.
Août 1987
Exposition Kreissparkasse (Allemagne).
Décembre 1990
Exposition Galerie Le Puits du Bourg - Nevers.
Juillet 1993
Exposition collective, Biennale de Nevers-Palais Ducal.
Octobre 1994
Exposition "Mise en scène", Galerie du Puits du Bourg.
Mai 1997
Exposition "Courant d'Art", E.S.C. Dijon.
Juin 1997
Exposition collective, Galerie Corianne - Paris.
Octobre 1997
Exposition "Les Hommages", Galerie du Puits du Bourg.
Avril 1999
Exposition "Qu'est-ce que l'art ?", Le Puits du Bourg.
Octobre 2012
Les Donneuses d’eau, Pavillon des Sources, Pougues-les-Eaux 
Juillet 2013
Les Nymphes du Parc, Conseil Général de la Nièvre

Marc VERAT
12 rue des Coulons
58320 Pougues-les-Eaux

Marc-Verat@wanadoo.fr

jeudi 3 octobre 2013

Vague de publicité

« On dit avec raison que nous vivons au siècle de la publicité.
Si, avant la guerre, certaines entreprises étaient encore réfractaires à la publicité, il n’en est plus ainsi aujourd’hui où nous voyons ce secteur important des affaires pénétrer de plus en plus dans nos mœurs. Cette vague de publicité s’accentue chaque jour et déferle sur toutes les branches de la production. Aussi, les temps où il fallait convaincre les commerçants, les industriels, de son utilité sont-ils révolus. Tout le monde semble d’accord pour reconnaître que la publicité est une force qui a édifié pas mal de fortunes retentissantes et avec laquelle il va falloir compter très sérieusement désormais. »

J. Pitteraerens, La Publicité en France - Bruxelles 1923




Acheter : sens interdit !
L’essence même de l’homme : ses sens. C’est censé ce que je dis : on voit, on sent, on entend, on souhaite toucher, goûter… On encense les produits et le sens est très clair : achetez ! Consommez ! C’est une voie sans issue, nous sommes sans arrêt censurés par le diktat de la consommation et ce, en dépit de tout bon sens...



Modèle Fanny Philippe - 28 ans
Photographies
Pentax 8.0 mégapixels et Pentax Spotmatic F
Dessins et compositions
Crayons noirs et couleurs Faber-Castell




La conquérante
Elle est là cette fille, figée, souriante
Pimpante malgré le froid, toujours conquérante
Jamais elle ne se lasse, ni ne se froisse
On n’se doute pas mais son métier c’est la chasse
Halo étincelant, lumineux dans la masse
Nos achats, sans crainte, ni scrupule elle régente
Intemporelle, quand les lendemains déchantent

La pub, c'est chic !
Fausse pudique que toi pub, où est ton public ?
Punaise tu pullules, impudente et cynique !
Ton droit de cité incite sans un hic !
Tu cibles et abrutis sans bruit, c'est frénétique !
Pour toi rien que pour, toi poudre magique
On part en embuscade sans but et sans fric
Plus belle par la pub c'est ubuesque mais c'est chic !

Rédigé par Fanny Philippe




L’affiche s’affiche
Toute campagne de communication visuelle implique une certaine efficacité. Celle-ci doit être perçue et comprise rapidement par le plus grand nombre. Dès la Belle Epoque avec Jules Chéret et après Toulouse-Lautrec, l'affiche se simplifie dans son dessin et son texte, ses couleurs sont vives afin d’attirer le regard du passant-consommateur.
En 1894, Alfons Mucha sort de l’anonymat grâce à la réalisation de l’affiche « Gismonda » pour Sarah Bernhardt, il devient salarié de l’imprimeur Champenois, une des plus grandes maisons de la Belle Epoque, qui fut notamment à l’origine des panneaux décoratifs.
Au départ collée directement sur les murs, dans les lieux publics, sur les colonnes Morris, l'affiche est maintenant majoritairement apposée sur des emplacements réservés et bien entendu payants : panneaux d'affichage, mobilier urbain, abribus notamment.

Un moyen d'information, d'expression mais aussi de conditionnement !
Si l’affiche fait son apparition peu après l’invention de l’imprimerie, elle est alors essentiellement utilisée par les autorités comme média d’information. Il faut attendre 1796 et la mise au point par l’Allemand Senefelder de la lithographie pour qu’elle soit diffusée plus largement et que son usage se diversifie. Au milieu du XIXème siècle, la révolution industrielle, l’urbanisation croissante et le perfectionnement des techniques de production fournissent à l’affiche moderne sa raison d’être. La « réclame » envahit les murs des villes, et l’affiche devient un média de premier plan pour vanter les mérites des produits les plus divers.

Les campagnes publicitaires sont particulièrement révélatrices de l'esprit, des modes et coutumes. Présentes dans la vie quotidienne, elles constituent un outil appréciable pour comprendre quel rapport le public entretient avec tel ou tel sujet, tel ou tel objet. Ces campagnes ne manquent pas de refléter les préjugés, les interdits ou au contraire, la fin de certains tabous.




« La publicité a pris, depuis quelques années, un développement dont on connaît l’ampleur et les excès. L’efficacité de son action sur les masses, l’utilisation toujours plus large de ses méthodes ont précipité ses progrès, étendu son domaine, accentué son indiscrétion. Affiches et panneaux-réclame foisonnent en ville et hors ville, le long des voies ferrées et des routes, déployant leurs rectangles bariolés sur les murs ou les haussant en plein champ, marquant trop souvent, semble-t-il, leur prédilection pour les lieux où leur présence constitue une gêne, un écran voire un défi. »
Rapport du 30/10/1935 au Président de la République

« Les industries et commerces qui trouvent un intérêt primordial dans la publicité, comme tous les produits touchant à l’automobile, les hôtels, les villes d’eau, se lancent intensément dans ce genre de publicité. Ils se concurrencent même pour obtenir les meilleurs emplacements ou s’assurer la collaboration de telle ou telle agence qui est plus ou moins bien placée et à même de leur donner satisfaction ».
Agenda Dunod - Paris 1936

lundi 30 septembre 2013

Affichage et publicité autour du Modèle

Les entreprises d’affichage déterminent, par l’intermédiaire de leurs agents, un réseau d’emplacements qui doivent répondre aux critères de la meilleure situation et de la meilleure visibilité.
« L’affiche doit d’abord attirer l’œil, puis ensuite l’attarder et enfin, fasciner le passant de façon à absorber complètement son attention, et à détourner sa pensée de tous les objets environnants. La première qualité d’une affiche doit donc consister soit dans son originalité, soit dans sa dimension. »
E. Mermet - Paris 1878


Elle est là, si peu vêtue
La Pub, pour être vue
La Pub, pour vendre quoi ?
Celle qui met aux abois,
Qui apporte je ne sais quoi
C’est çà la Pub
La Pub bientôt fanclub…




Consommation compétition en Alexandrins
Cons... Sots... Mais...
Consommation, compétition consensuelle
Compassion morne et conne des compulsions
Homme sans compromissions ni contacts réels
Sa mission d'achat est une condamnation
A la concupiscence qui consume ses ailes
Quiconque ne vit que par unique absorption
Conçoit l'amour comme seul bien matériel


dimanche 18 août 2013

Photographie et peintres académiques




La technique de la photographie qui se vulgarise dès la Belle Époque apporte une vision plus spontanée, avec une relation au modèle totalement différente : la pose sera désormais courte et son éclairage travaillé.
L'utilisation de la photographie trouvera véritablement son essor avec l'exploitation des techniques sur papier. Dès lors le tirage complétera ou se substituera même au modèle vivant proprement dit, délivrant celui-ci des contraintes d'une immobilité prolongée tout en permettant un gain de temps.
Les modèles pour artistes servaient également souvent de modèle aux photographes qui pouvaient par ailleurs être les peintres eux-mêmes : Mademoiselle Hamély posa ainsi pour Delacroix, Durieu et Nadar. Courbet, le parfait exemple d'un artiste sachant utiliser la photographie pour mieux s'en affranchir et créer le réalisme, employait le même modèle que le photographe Vallou de Villeneuve.

En 1839, le peintre Paul Delaroche découvrant les premiers daguerréotypes s'inquiéta sur la concurrence faite à la peinture. Quelque peu radical, il remarque : "A partir d'aujourd'hui, la peinture est morte..."
Effectivement, le portrait daguerréotypé, en particulier, est très rapidement prisé par la bourgeoisie qui le considère plus objectif et surtout meilleur marché et plus moderne que son homologue peint.
Les premiers photographes seront souvent des peintres "reconvertis" qui appliqueront donc presque spontanément dans leurs compositions les règles académiques alors en vigueur et c'est tout naturellement que leurs photographies de nu serviront ensuite de documentation.
Ces tirages contribueront à l'étude du corps qui, jusqu'alors et à défaut de modèle vivant, se faisait surtout grâce aux documents puisés dans les recueils spécialisés, ce qui avait naturellement pour conséquence fâcheuse d'imposer et de trop diffuser un même type d'attitude. La photographie par sa grande diversité ne présentant pas bien sûr cet inconvénient.
Dès 1850, apparut donc en France à destination des artistes un marché d'épreuves photographiques reprenant l'esprit des poses académiques des tableaux. Cependant, le petit format des premiers daguerréotypes, conjugué à son exemplaire unique, constituait encore un handicap. Rapidement la technique évolua et les académies purent être tirées en multiples sur papier albuminé, par un procédé négatif-positif, qui préservait tous les avantages de contraste et de précision des daguerréotypes.
Parallèlement à ce marché pour peintre et en raison du caractère érotico-artistique des tirages, ces académies photographiques intéressèrent aussi toute une clientèle masculine loin d'être insensible à la représentation du corps de la femme.
Dès lors ce type de photographie se multiplia et engendra par là-même un encadrement plus strict de son contenu, et celui qui les signait de son nom pouvait s'exposer désormais à certains risques de poursuite.
En 1851, par exemple, eut lieu le procès du photographe parisien Félix Jacques-Antoine Moulin. On avait trouvé chez lui et chez le commerçant nommé Malacrida rapporte le jugement : "Un nombre important d'images obscènes que l'énonciation même des titres constituerait déjà un délit d'outrage publique aux bonnes moeurs". Le commerçant fut condamné à un an de prison et à 500 francs d'amende et le sieur Antoine Moulin, daguerréotypeur, à un mois de prison et 100 francs d'amende.
En 1887, le ministre Thémis finit par intervenir afin d'encadrer la diffusion, de plus en plus répandue, de photographie et de carte de nus académiques. Un décret du 11 juin reprend les dispositions de la loi de 1881 sur les publications, en interdisant que celles-ci aillent "à l'encontre des bonnes moeurs et des institutions" et poursuit la pornographie. A la suite de quoi, il fallait s'entendre sur la définition du mot "pornographie".
En 1904, le sénateur Bérenger se chargea de faire ajouter un décret dans ce sens qui spécifiait notamment : Que toute trace de pilosité figurant sur les reproductions anatomiques étaient proscrites, devant suivre en cela la tradition de la peinture occidentale. Ces mesures expliquent sans doute pourquoi la carte postale diffusant les nus - reproduisant des peintures exposées au Salon - fut tolérée pour son aspect "culturel" et connu un réel engouement.

Les pionniers de la photo de nu - Belloc, Berthier, Braquehais ou encore Vallou de Villeneuve - étaient également peintres et/ou lithographes et leur formation académique ainsi que les canons de l'époque influençaient tout naturellement le choix de la pose du modèle, de la composition et de l'éclairage. Bien qu'en général plus sobre et moins exubérante, l'académie photographiée présente très souvent une analogie avec l'académie peinte.
Mucha utilisa beaucoup la photographie et était d'ailleurs ami de Nadar. "C'est très beau la photographie, mais il ne faut pas le dire", s'exclamait déjà Ingres. Et de fait, dès son invention, ce moyen technique fut utilisé par les peintres pour leur travail. Cependant les artistes par fierté eurent tendance à le cacher et à s'en défendre. Quelques-uns comme Delacroix avouaient son utilité et Mucha reconnaissait même s'en servir et ne pas s'inquiéter de son rapport avec ses créations, accomplissant ce que Beaudelaire proclamait être la véritable fonction de la photographie, une documentation, un carnet de notes, un gain de temps réalisé grâce à son côté essentiellement utilitaire.

La mise au point de la photographie.
Joseph-Nicéphore Nièpce invente d'abord un nouveau procédé lithographique à Chalon-sur-Saône. En 1827, il souhaite reproduire une copie exacte de la nature par un procédé en chambre noire. Il emploie un instrument optique dont la lumière sort sous forme de rayons lumineux qui agissent sur une plaque sensible. Les zones claires de l'image ont été protégées par du bitume de Judée, alors que les parties sombres restent exposées à la lumière.
Louis-Jacques Daguerre s'associe avec Nièpce en 1829 et par la mise au point du "daguerréotype" (iode sur plaque d'argent) en 1838, il contribue à la vulgarisation définitive de la photographie.

Photographes & Modèles
Les photographes du début du XXème siècle ne disposant pas encore d’éclairage électrique travaillaient avec la lumière du jour qui filtrait à travers la verrière de l’atelier. Un système de rideau permettait de doser cette lumière et de l’adoucir afin d’éviter les ombres trop marquées. Des réflecteurs, sorte de grands miroirs, étaient également employés ou bien alors aussi des draps blancs tendus toujours pour estomper ces ombres.
L’appareil de prise de vues est une chambre de grand format, lourde et volumineuse, posée sur un pied. Pas question de la déplacer entre deux clichés. La mise en place du décor et du modèle se fait en fonction du champ de l’appareil. Les négatifs, sur des plaques de verre, sont de faible sensibilité, ils nécessitent donc un temps de pose assez long. Le modèle doit rester immobile pour que la photo reste nette. Pour faciliter la pose, le modèle prend appui sur un élément du décor, ou bien on l’installe sur une chaise ou un canapé. Lorsque le sujet est debout on a recours à un tuteur pour que le modèle maintienne son corps et sa tête. Lorsque le support reste visible sur le négatif il faut l’effacer par retouches. Les contraintes techniques ne facilitent pas le travail du photographe mais lorsque celui-ci sait en tirer parti, la lumière est très douce sans ombre disgracieuse. Le grain de la photo est généralement fin et reproduit le moindre détail.

Dans un article de presse intitulé : « La vie et les mœurs des modèles », Louis Vauxcelles rapporte que les modèles professionnels des années 1850, traditionnellement d’origine italienne, se trouvent 50 ans plus tard remplacés par la Parisienne. Il explique que le nu académique n’est pas forcément ce que l’on demande : « nos modèles de 1905 savent se retrousser, porter un collet de chinchilla, des bottines de chevreau glacé, des gants à douze boutons. Déshabillés, en corset ou en Vénus ils ont de l’allure et de l’esprit – Rares sont les modèles qui restent modèles. On pose, en attendant mieux, pour faire plaisir à un ami peintre, pour parfaire le louis nécessaire à la couturière ou au proprio. On est midinette, fleuriste, blanchisseuse, mannequin, chanteuse, actricette, demi-mondaine… à raison de 5 francs la matinée. On peut compléter ses revenus si l’occasion se présente et l’on monte sur la planche pour poser l’ensemble ou le détail. Certaines, que le métier amuse sans trop fatiguer, ou que la camaraderie d’artistes séduit, demeurent modèles trois mois, trois ans. Mais la plupart ne considèrent l’emploi que comme un pis-aller de transition. »

La revue « L’Étude académique », destinée à un public d’artistes et qui lui propose des poses variées, note dans son éditorial du 1er août 1905 :
« Pour faire une œuvre maîtresse, il ne suffit pas que l’artiste ait l’intelligence de la forte conception de son art, il faut encore qu’il soit servi par la perfection de son modèle ».
La plupart des femmes représentées dans cette revue sont belles et très féminines, généralement petites et avec des hanches bien marquées, elles sont bien plus potelées que nos contemporaines mais elles dégagent toujours un charme indéniable.
Entre 1905 et 1920 plusieurs centaines de femmes sont venues se déshabiller devant l’objectif des photographes de la revue. Certaines l’ont fait de manière occasionnelle et d’autres plus régulièrement. Elles ont en moyenne entre 20 et 25 ans, mais il arrive parfois de faire poser de très jeunes filles de 14 ans, la législation de l’époque n’y trouvant alors rien d’anormal.
En 1903, après Le Panorama Salon de Ludovic Baschet, Émile Bayard publie le premier numéro de la revue mensuelle Le Nu Esthétique. Annoncé comme un album de documents artistiques d’après nature, le magazine se propose d’inspirer les artistes en leur présentant des photos de modèles nus, hommes, femmes et enfants dans des poses variées mais toujours académiques. Si les modèles masculins portent un cache-sexe, souvent en forme de fleur ou feuille, les femmes y apparaissent dans toute leur nudité, au moins jusqu’en 1908 , c’est-à-dire avant l’intervention du sénateur Bérenger dit « le père la pudeur ».
Devant le succès de cette publication, d’autres éditeurs utiliseront à leur tour le prétexte artistique pour vendre du Nu. En effet, il semble suffisant afin d’éviter la censure de mentionner : « A l’usage des peintres et des sculpteurs ».
En février 1904 paraîtra le premier numéro de l’emblématique « L’Etude Académique », bi-mensuel créé par Amédée Vignola. Le fascicule prétend toujours servir les artistes, peintres, sculpteurs, architectes, décorateurs, graveurs… En fait, il semble que la revue n’ait pas vraiment inspiré lesdits artistes ; le seul exemple notoire étant celui d'Henri Matisse qui y découpait ses nus.

Au début du siècle dernier la nudité reste tolérée dans la mesure où elle n’est ni obscène, ni contraire aux « bonnes mœurs ». Les poses doivent se conformer aux règles de l’académisme en vigueur chez les peintres et sculpteurs. Cependant, la loi ne définit pas la frontière étroite entre l’obscénité et le toléré, laissant aux juges le pouvoir d’en décider eux-mêmes.
Jusqu’en 1908 presque tout est permis, les photos ne sont pas retouchées mais celles-ci ne bénéficient ni d’affichage ni de publicité, les magazines sont présentés sous des couvertures cachetées et interdits aux mineurs. Photos et publications diverses sont souvent vendues par correspondances.

Sources :
Christian Bourdon "Jean Agélou" - Ed. Marval Paris 2006
Uwe Scheid Collection "1000 Nudes" - Ed. Taschen Köln 2005
Internet