mardi 18 novembre 2014

Kenyon Cox





Kenyon Cox, né le 27 octobre 1856 à Warren (Ohio) et mort le 17 mars 1919 à New York, est peintre, illustrateur et écrivain.
Kenyon Cox étudie d'abord à l'Art Academy de Cincinnati avant de suivre les cours de la Pennsylvania Academy of Fine Arts à Philadelphie. En 1877, il part pour Paris où il est l'élève de Carolus-Duran puis de Jean-Léon Gérôme, Alexandre Cabanel et Henri Lehmann à l'école des Beaux-Arts de Paris. En 1882, il rentre aux États-Unis et s'installe à New York. Il peint mais réalise aussi des illustrations, principalement pour des raisons alimentaires, qui lui apportent une certaine notoriété. Il écrit par ailleurs des critiques artistiques pour le New York Evening Post et d'autres magazines, comme The Nation, Century ou Scribner’s. En 1883, il publie un premier poème qui remporte un certain succès dans les cercles artistiques. En 1892, il épouse Louise Howland King, l'une de ses étudiantes à l'Art Students League of New York.

À partir de 1893, Kenyon Cox se consacre de plus en plus à la peinture murale. Il remporte en 1910 la médaille d'honneur de la peinture murale décernée par l'Architectural League et devient président de la société nationale des peintres muraux de 1915 à 1919.

samedi 15 novembre 2014

Hôtel du Parc





Hôtel du Parc à Saint-Honoré-les-Bains

Castel du Parc :
Construction réalisée pour le docteur Breuillard, entre 1885 -1888 ainsi que le Castel des Cèdres qui lui fait face, avec la même roche aux délicates nuances multicolores extraite de la carrière de la Hâte, toute proche. La reine Isabelle II d'Espagne, en disgrâce, exilée en France, fit plusieurs séjours à Saint-Honoré. Elle demeura un temps dans la suite située au premier étage du Castel du Parc qui conserva son linge de chambre jusqu'au milieu des années 1970. Jules Renard, dans ses mémoires, fait allusion à la royale présence.
Acheté par la Société thermale qui y fit des agrandissements en 1920. Il connut différents propriétaires avant de fermer dans les années 1970. L'hôtel du Parc, plus grand édifice de Saint-Honoré avec les Thermes et l'hôtel du Morvan, appartient à un Italien mais est laissé à l'abandon depuis plusieurs années. Il est en ruines, la toiture est éventrée ainsi que la façade arrière. Il est pourtant inscrit à l'inventaire du patrimoine notamment, pour l'importance de sa toiture couvrant un ensemble de volumes subtilement agencés.


lundi 10 novembre 2014

Les Donneuses d'eau

UNE PROFESSION AU COEUR DU THERMALISME FRANÇAIS (1840-1914)

Éric Jennings
Publications de la Sorbonne | Sociétés & Représentations
2014/2 - N° 38 pages 143 à 170
http://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2014-2-page-143.htm
Pour citer cet article :
Jennings Éric, « Donneuses d'eau. Une profession au coeur du thermalisme français (1840-1914) »
Sociétés & Représentations, 2014/2 N° 38, p. 143-170. DOI : 10.3917/sr.038.0143

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La question des donneuses d’eau dans les stations thermales françaises du XIXe siècle procède de plusieurs historiographies. Elle relève d’abord de l’histoire des femmes. De jeunes provinciales trouvèrent dans cette activité une rémunération un moyen éventuel d’ascension sociale, dont l’exemple le plus connu reste sans doute celui de Coco Chanel, qui s’adonna à cette activité à Vichy en 1906. Elle relève ensuite de l’histoire médicale.
Dans le monde hautement ritualisé de la crénothérapie, et plus particulièrement de la cure de boisson, la donneuse d’eau se situait entre le buveur et le griffon, entre la source et le malade. Au carrefour de la science et du sacré, elle occupait un espace unique, mais contesté. Elle faisait partie intégrante de l’encadrement médical de la cure, à tel point que certaines donneuses d’eau se virent citées dans des articles scientifiques. Mais d’autres hydrothérapeutes virent en elles un intermédiaire inutile, voire nocif, entre le malade et les bienfaits d’une eau pure et originelle. La donneuse d’eau relève enfin d’une approche spectaculaire, ou tout au moins visuelle, de la station thermale. Cet emploi réservé aux femmes ne manqua pas d’être fortement remarqué par la clientèle masculine, comme en témoigne sa représentation dans les poèmes, chansons et dessins, notamment. On retiendra à ce propos l’utilité du concept de para- sexualité élaboré par Peter Bailey dans un article sur l’ère victorienne.  
Enfin, et paradoxalement, la donneuse d’eau se situait également aux marges de la station, de la cure et de la société : vêtue d’un costume régional alors que celui-ci s’éteignait, incarnant une identité locale face à une clientèle internationale, figurant rarement dans les registres et autres documents d’archives, c’est principalement dans les sources visuelles, littéraires, périodiques et spécialisées que l’on retrouve sa trace. Alors que depuis quelques années les donneuses d’eau ont refait leur apparition à Vichy, une analyse de leur rôle et de ses représentations peut apporter un éclairage social et de genre sur une profession entièrement féminine, indissociable d’un secteur lui-même complexe, entre médecine, tourisme, loisir et rituel.

Qu’était-ce qu’une donneuse d’eau ?
Le nom même semble renvoyer à l’Antiquité ou aux donneuses d’eau bénite. Il est difficile d’établir l’origine de l’activité thermale moderne avec précision. Un ouvrage datant de 1734 signale des « femmes qui distribuent l’eau aux fontaines » de Spa. D’après ce texte, aux sources de la Souveraine et de la Géronstère, ces femmes remettant l’eau aux buveurs, affirmaient par ailleurs pouvoir présager la pluie à partir de leurs « fontaines », prophétie validée et confirmée par un médecin de Spa, ce qui suggère une relation de savoir particulièrement intrigante… Leur rôle consistait à puiser l’eau à la source thermale, puis à la remettre à la buveuse ou au buveur venu en cure.
Empêcher le curiste de se servir soi-même relevait de plusieurs considérations : la manœuvre rappelait la fonction de serveuse et renvoyait sans doute à une image de domestique, elle reflétait peut-être un souci de parcimonie et de sociabilité thermale, mais, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, elle trahissait surtout le désir de maîtriser, de doser et de réguler les intervalles d’ingestion et les quantités d’eau minérale consommée. À ce titre, les donneuses d’eau faisaient partie d’un ensemble disciplinaire, censé contrôler les pratiques corporelles tout au long de la cure.
Elles incarnent en outre une spécialisation certaine. Contrairement aux masseuses ou autres « baigneuses », les donneuses d’eau ne participent qu’au processus de cure de boisson. Appuyées sur les parois de la buvette, placées parfois en contrebas des buveurs comme aux sources Mesdames et de la Grande-Grille à Vichy, ou encore à la source Eugénie de Royat, elles sont intimement liées à la cure de boisson. 
Il va sans dire que les carrières proches du sommet de la lucrative filière thermale étaient hors de portée des femmes, ou tout au moins de l’écrasante majorité d’entre elles. Le 8 juillet 1882, la Revue des villes d’eau de l’Est claironnait l’arrivée d’une femme médecin à Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne).
Madame le docteur Ribard devenait  ainsi, d’après le journal en question, la neuvième femme française à prononcer le serment d’Hippocrate (même si les femmes médecins étrangères étaient selon cette source relativement  nombreuses à exercer dans l’hexagone à cette même époque). Les donneuses d’eau ne s’apparentaient certainement pas à ces médecins :
Issues de milieux modestes, provinciales pour la grande majorité d’entre elles, n’ayant pas poursuivi de longues études, elles pratiquaient parfois plusieurs emplois, dont celle de donneuse pendant la saison estivale car, dans la majorité des stations, le thermalisme ne demeurait qu'une activité saisonnière.




C'est d'ici, sous la verrière du Pavillon des Sources, près des deux fontaines roses, qu'opéraient les Donneuses d'eau.
Toutes, n'étaient pas aussi jolies que Charlotte, peinte en 1908 par William Godward, dans son seyant sarrau à l'antique couleur safran.
Toutes, n'étaient pas non plus aussi dévêtues que le charmant modèle, perché sur son tabouret, représenté par luis Falero.
Mais les Donneuses d'eau se devaient toujours d'être aimables et souriantes avec les curistes.
Pleines d'attention, elles offraient aux visiteurs de passage un gobelet ou une coupe d'eau curative et bienfaisante.
Protocole
Tout baigneur qui désirait suivre un traitement devait en faire la déclaration au bureau de l'administration. Une carte d'abonnement à la buvette lui était alors délivrée. Cette carte numérotée lui donnait également droit à l'accès au parc de l'établissement et à la circulation dans toutes les propriétés de la Compagnie. Chaque carte était accompagnée d'un verre en cristal de Baccarat gradué en grammes. Ce verre, déposé à la buvette, permettait au buveur, contre la présentation de sa carte et le dépôt d'un ticket, d'aller boire facilement à toute heure.
Le verre, sur lequel les donneuses d'eau marquaient le numéro de la carte, était conservé par le baigneur après sa cure.
http://marc.verat.pagesperso-orange.fr/v1.htm

Comment devenait-on donneuse d’eau ?

En 1906, Gabrielle Chanel, la future Coco, tenta plusieurs emplois à Vichy avant d’exercer cette activité : chanteuse, « gommeuse », puis vraisemblablement couturière, avant qu’un officier de sa connaissance fasse intervenir ses contacts à la compagnie fermière. Ce n’est qu’alors qu’elle devint donneuse d’eau de Vichy à la Grande Grille. Dans d’autres cas, c’étaient les réseaux familiaux qui s’avéraient déterminants. Il n’est pas rare de voir des familles de donneuses d’eau représentées sur les cartes postales mettant en scène la profession.

Comme l’a observé Armand Wallon, il semblerait que l’activité se transmette de mère en fille. Enfin, un témoignage peu flatteur de 1857, signé du préhistorien Jacques Boucher de Perthes, laissait entendre que les donneuses d’eau de la source de l’Hôpital à Vichy devaient acheter leurs fonctions : « Quelqu’un me dit que les places de donneuses d’eau se vendaient comme celles de notaires et d’avoués chez nous, et les emplois de capitaine et de colonels en Angleterre.» Ce qui expliquerait, d’après l’intéressé, que les donneuses de Vichy soient nettement plus disgracieuses et ridées que leurs collègues allemandes. Et d’ajouter : « Hygie était belle et jeune. Les Grecs se seraient bien gardés de faire servir par Méduse ou par Parques les eaux qui doivent donner la santé.» Toutefois, comme nous aurons l’occasion de le constater, le regard du public masculin sur les donneuses d’eau était généralement bien plus approbateur.
N’en déplaise à Amédée Collas, la fulgurante ascension sociale qu’il imaginait, et que vécut Gabrielle Chanel – bien que son bref interlude de donneuse d’eau n’ait guère eu un impact déterminant dans sa réussite –, ne constituait pas la règle. Dans beaucoup de stations, et en fonction de l’époque, les donneuses d’eau n’étaient pas rétribuées, et dépendaient entièrement de pourboires. Ceux-ci étaient remis par des buveurs, le plus souvent au terme de leur cure de vingt et un jours. La pratique était ancienne. Déjà en 1842, le régisseur des eaux minérales de Vichy saisissait le préfet de problèmes liés aux pourboires du personnel. Ceux-ci s’élevaient à environ 4 000 francs par saison, somme à répartir entre baigneurs et baigneuses, et distributeurs d’eau. Mais, signalait le régisseur, la division des pourboires s’effectuait de manière arbitraire au préjudice des servantes.

Qu’en était-il des pratiques ?
Jacqueline Débordes affirme qu’autour de 1906, alors que la jeune Coco Chanel était donneuse d’eau à la source de la Grande Grille, « les pourboires de fin de cure étaient souvent conséquents ». Mais comme le laisse entendre Débordes, il n’est guère certain que les donneuses d’eau aient pu systématiquement conserver l’intégralité de ces sommes, les tenancières de buvettes ayant parfois une autorité accaparatrice.
Les Donneuses d'eau salariées percevaient en effet de bien maigres sommes. Un article paru dans L’Employé d’Hôtel en 1912 permet de faire le point sur le salaire net de donneuses d’eau vichyssoises, hors pourboire :
« 2 francs par jour de la tenancière des kiosques, et elles ont également quelques gratifications ». Le traitement de base était beaucoup plus faible que celui des autres emplois féminins de la station. Ainsi les baigneuses, doucheuses et autres masseuses, arrivent à se faire des journées de 7 à 8 francs ; certaines d’entre elles font des séances de massage à domicile après la fermeture des établissements pour arrondir leurs fins de mois. Non loin de là, à la pastillerie, une cinquantaine de femmes gagnait entre 3 et 4 francs par jour. On apprend enfin qu’en 1912, hormis les musiciens de l’orchestre, nulle petite profession associée au secteur thermal n’était syndiquée. Ces salaires de base, en tout cas, étaient manifestement bien modestes. D’après l’Insee, les deux francs par jour gagnés par une donneuse d’eau vichyssoise en 1912 avoisineraient 6 euros 50 de nos jours.



  
Le docteur M. J. Janicot, pratiquant à Pougues-les-Eaux, formulait l’introspection suivante au sujet de sa profession :
Si notre mission devait se borner strictement à faire boire à des malades une certaine quantité de verres d’eau, à les faire doucher, baigner, masser, inhaler, humer, transpirer, pulvériser, secundum usum et artem, il faut avouer qu’elle ne serait ni bien difficile, ni très honorable. Nos donneuses d’eau, nos doucheurs et doucheuses pourraient à la rigueur nous remplacer.

Entre aura et « parasexualité »
La ville thermale produisait et vivait du spectacle. Le rituel des donneuses d’eau en faisait clairement partie. Le Splendid Guide de Vichy s’émerveillait ainsi en 1880 devant la Grande-Grille :
La manœuvre du puisage et le mode de présentation des verres à boire sont déjà un très attrayant spectacle. Les préposées, les prêtresses du temple, si vous voulez, placent le verre dans un récipient métallique à long manche, et plongent ensuite l’appareil avec une remarquable dextérité au centre de la vasque, où mugit l’onde minérale, déposent devant le client le verre sur la tablette de marbre du pourtour ou le présentent sur le plat de leur main avec délicatesse et une remarquable agilité. […] sous la robe d’uniforme de toile de Vichy à larges raies, vous trouverez plus d’un coquet minois.
Alliant allusions aux vestales antiques (chez d’autres l’on trouve des renvois à Hébé, Hygie, aux Naïades et autres Danaïdes), émerveillement devant les acrobaties des donneuses d’eau, et tentation sexuelle, de tels passages avaient clairement pour but d’attirer une clientèle masculine à la station. Jérôme Penez a fort bien souligné l’utilisation d’une iconographie féminine dans la promotion des eaux, et H. Hazel Hahn a insisté sur l’ubiquité de représentations féminines dans les affiches françaises du XIXe siècle. Parfois, la donneuse d’eau était explicitement mise en scène dans de telles réclames ; plus souvent l’on avait recours à une allégorie antique représentant la source elle-même, bien qu’on puisse y percevoir également une allusion à une donneuse d’eau.

Notons enfin que les consommateurs thermaux étaient loin de se montrer uniformément crédules devant le spectacle des donneuses d’eau. Comme le souligne Vanessa Schwartz, la culture de masse Fin de siècle passait par un dialogue entre producteurs et consommateurs de divertissements multi- sensoriels. On aurait tort de penser que ces consommateurs aient uniformément absorbé sans broncher tous les déluges visuels de l’époque. Remarquons le scepticisme de ces quelques alexandrins composés par Fortuné Hermitte dans Mes loisirs aux eaux de Vichy, 1857-1858 :

Cet autre a pris son bain, il a bu quatre verres,
Après son traitement il ira dans ses terres ;
Un tel fait les yeux doux à la donneuse d’eau,
Qui trouve qu’un vieillard n’est ni charmant ni beau,
Mais qui sourit toujours, espérant pour sa peine,
Qu’il mettra dans sa main une abondante étrenne.

Ce regain d’intérêt tient manifestement de la nostalgie et du visuel. Ainsi, l’artiste Marc Verat inaugure à Pougues-les-Eaux, en octobre 2012, une exposition intitulée « Donneuses d’eau et nymphes ». En calquant des tableaux académiques de l’époque romantique sur des images représentant les hauts lieux de la station, il produit un effet de décalage saisissant. À l’inverse des nymphes, les donneuses d’eau empruntées par Verat sont vêtues. Ici, l’éclat sensuel n’est ni feutré, ni implicite ; la distorsion, l’exagération savamment dosée par juxtaposition, s’étendent également aux allusions antiques, désormais ouvertement affirmées à travers le choix du tableau d’origine. Mais la transformation donne également lieu à des pertes : les donneuses d’eau ont été dépossédées de leurs chapeaux, tabliers, bottes, écuelles emmanchées, et même de leurs verres. Ni dextres, ni souriantes, elles apparaissent mélancoliques, issues des classes aisées, et non populaires. Éloignées des leviers de la buvette, elles s’offrent au regard dans une passivité songeuse, avec la source en arrière-plan. Un tel clin d’œil reflète sans aucun doute le versant érotico- esthétique de l’activité telle qu’elle était imaginée au XIXe siècle, sans compter un réel regain d’intérêt pour un temps révolu. En effet, les donneuses d’eau produisent manifestement une sorte de souffle nostalgique (certes à petite échelle) reflété tant par ces images que par les emplois saisonniers à Vichy depuis l’an 2000. Dans ces deux cas cependant, le référent semble s’être vidé d’une partie de son sens. Car le métier qui nous intéresse fut surtout une source de revenu pour des femmes de l’époque, et comportait en outre d’importantes dimensions hygiénique, sociale et paramédicale. Or, tant dans ces montages qu’aux sources de Vichy aujourd’hui, celles-ci sont occultées pour ne laisser transparaître en fin de compte qu’un enchantement suggestif et un parfum « Belle Époque ».




UNE PROFESSION AU COEUR DU THERMALISME FRANÇAIS (1840-1914)

Éric Jennings
Publications de la Sorbonne | Sociétés & Représentations
2014/2 - N° 38 pages 143 à 170