Logistes devant le-palais des Etudes, 1898
Chaque année, au début du printemps, entre 1663 et 1967, jusqu'à cent élèves de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris participent au concours du Prix de Rome de peinture.
Première épreuve : une esquisse peinte à l'huile sur toile, de 32.5 cm par 40.5 cm, dont le sujet, toujours d'histoire, biblique ou mythologique, est annoncé par un professeur qui supervise l'épreuve.
Les concurrents sont enfermés douze heures durant dans un atelier de l'école qu'ils ne peuvent quitter avant d'avoir terminé l'épreuve.
Le jury qui se compose de professeurs et de membres de l'Académie donne le résultat quelques jours plus tard. Les esquisses gagnantes sont enfermées à clé, pour être réutilisées à l'issue de l'épreuve. Peu d'œuvres sont sélectionnées.
Deuxième épreuve : vingt demi-finalistes pourront y participer. Celle-ci se déroule cinq jours après les résultats de la première épreuve.
Durée : quatre sessions de sept heures chacune où les concurrents sont enfermés dans le même atelier que pendant la première épreuve.
L'épreuve : une étude de nu, peinte à l'huile sur une toile, de 81 cm par 65 cm, d'après un modèle masculin dont la pose est déterminée par un professeur.
Le jugement a lieu quelques jours plus tard, par le même jury que pour l'épreuve précédente. Les œuvres, qui sont toutes numérotées, sont présentées au jury à côté des esquisses sélectionnées lors de l'épreuve précédente. 10 constitue la meilleure note. Cette fois encore, les esquisses gagnantes sont consignées, pour être exposées à la fin du concours.
Une semaine après les résultats de la deuxième épreuve, jusqu'à dix finalistes pourront participer à la dernière étape du concours.
Cette seconde épreuve, très réglementée, avec la pose du modèle plus souvent debout qu'autrement, ne laisse aucune place à l'imagination des élèves mais elle permet aussi de juger objectivement, de manière peu discutable, de leur adresse technique ainsi que de leur bonne connaissance des proportions anatomiques, d'apprécier leur science du volume et des raccourcis. La pose choisie par le professeur est généralement assez proche d'une attitude naturelle, déjà pour faciliter la tâche du modèle. Des accessoires comme le bâton ou un poids sont fréquemment utilisés afin de mettre en valeur telle ou telle partie de la musculature. (voir : le cours de nu académique )
Troisième épreuve : Cette dernière décidera du vainqueur de ce "Premier Grand Prix de Rome" tant convoité et si prestigieux.
Les "logistes", appellation consacrée des finalistes, sont enfermés dans des cellules séparées, à l'intérieur de l'école et pendant soixante-douze jours.
La dernière épreuve se divise en deux parties. Une esquisse dessinée, et une grande peinture de 113.7 cm par 146.5 cm. Le sujet est choisi par dix membres de l'Académie. Après quoi le Secrétaire perpétuel de l'Académie*, accompagné de deux membres, énonce à haute voix le thème devant les derniers concurrents. Si, pour une quelconque raison, les concurrents ont déjà eu connaissance du sujet, un nouveau sera donné selon la même procédure.
Quelques jours plus tard, les peintures sont vernies puis présentées à côté des esquisses dessinées, afin que le jury, les journalistes et le public puisse les voir. C'est alors seulement que les résultats seront proclamés, mettant fin à l'incertitude et à ce cycle commencé cent-six jours plus tôt.
La présentation des dix œuvres constituait un événement majeur de la vie artistique française au dix-neuvième siècle.
Un et parfois deux grands prix de peinture étaient désignés par année, de même que d'autres distinctions. Si aucune oeuvre n'était jugée digne du prix, l'Académie revoyait le jugement et celui-ci était remis à l'année suivante.
La Villa Médicis, une institution devenue aussi inutile que coûteuse, avec des artistes en résidence et la question sous-jacente : pourquoi ceux-là plus que d'autres ?
Les Beaux-Arts, une école où désormais on apprend plus rien ? Pas si simple ! En effet, concernant les Beaux-Arts de Paris, et d'après Philippe Comar, professeur d'anatomie et de morphologie depuis 2003 et auparavant adjoint de Jean-François Debord depuis 1979, le dessin d'après modèle vivant ou "académie" n'a jamais cessé d'être une base - sorte de solfège - et d'intéresser. Il reste d'ailleurs obligatoire durant les deux premières années d'étude.
En ce printemps 1968, il y a de la contestation dans l'air aux Beaux-Arts comme ailleurs. Nombreux sont les étudiants qui remettent en cause la réelle valeur du Prix de Rome ; son attribution, selon certains, serait devenue trop arbitraire. Il faut dire que, depuis l'entre-deux-guerres et à en juger par les oeuvres primées, les contestataires n'ont pas tout à fait tort. En effet, les critères de sélection établis par l'Académie des Beaux-Arts n'ont pas cessé, à partir de ce moment, de s'affaiblir, de ce déliter même. Ainsi, il n'est plus rare de voir des peintures très "stylisées", à la mode pour le moins subjective du moment, obtenir des distinctions. Dès lors, le Grand Prix de Rome pouvait-il encore avoir un sens ?
Les concours des Prix de Rome - qui avaient déjà connu une inflation du nombre des disciplines - et pour cause notamment de manifestations généralisées, n'auront donc pas lieu en 1968 et pas davantage les années à venir. Cette année 68 mettra ainsi fin à trois siècles de tradition. Seul, et contre toute logique, le séjour en résidence à la Villa Médicis à Rome reste aujourd'hui maintenu pour quelques heureux élus, choisis sur présentation d'un simple dossier.
Pour de plus amples informations se reporter à : L'Art et ses institutions, et au rapport du sénateur Yann Gaillard qui a voulu d'emblée poser une question fondamentale : quel est le sens, aujourd'hui, d'une telle institution, à partir du moment où la création tend à s'affranchir de toute tradition, et où Rome n'est plus, même à l'échelle de l'Italie, un centre actif de création ?
Le sénateur indique qu'il avait pu constater, au cours de sa visite à la Villa Médicis, que les pensionnaires évoluaient dans un monde sans obligations ni sanctions, et que cette liberté ne suffisait pas à les satisfaire. Le rapporteur souligne qu'il existe une disparité évidente entre la situation des pensionnaires à carrière et celle de ceux qui n'en ont pas. Autrement dit, entre les pensionnaires protégés et ceux qui ne le sont pas, entre les fonctionnaires - ou les futurs fonctionnaires - et tous les autres.
Sur les modalités :
Ateliers des sculpteurs Cavelier, Falguière et Thomas en 1889 aux Beaux-Arts de Paris
On s'amuse et on se met en scène, les études sont certes rigoureuses mais tout de même !
Ici, pour les besoins de la photo, on simule une décapitation, référence à Holopherne ? Là, on a passé une robe de femme et mis un turban de sultan. Quant aux modèles, aux derniers rangs, ils participent eux aussi à l'action et la jeune femme se laisse même complaisamment toucher un sein.
Au sujet de l'enseignement des Arts, le problème ne date pas d'aujourd'hui !
L'Ecole de dessin, 1862, 2ème année - 1ère livraison, signé A.G.
"La jeune école par excellence n'a pas de système, n'a pas de direction, en un mot elle n'est plus gouvernée.
Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? S'il fallait s'en rapporter aux résultats, nous serions plutôt tentés de croire que c'est un mal. L'art marche un peu au hasard, sans pilote et sans boussole, ouvrant sa voile au souffle de la fantaisie régnante ou du caprice de la mode, sans savoir où il va.
Aujourd'hui il nous faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde. Mais comme l'invention dans les arts d'imitation a porté nécessairement ses bornes, on est enclin à inventer des manières, des procédés, où l'art disparaît bien souvent sous l'industrie. Chacun suit sa fantaisie, n'a de foi qu'en soi-même et court après l'originalité pour n'attraper que le bizarre. On croit avoir atteint le résultat recherché quand on a réussi à faire, non pas mieux que son voisin, mais autrement. C'est donc à faire autrement que visent aujourd'hui bien des artistes..." Cf/ A.Bonnet PUF Rennes
La succession périodique des réformes de l'enseignement artistique, depuis celle, initiale, de 1863, signale en permanence des incertitudes avec une inadaptation récurrente de la formation aux besoins réels de la société.
Les causes qui provoquèrent la première crise, c'est-à-dire déjà l'inadaptation de la formation à la réalité d'alors avec la constitution d'une classe pléthorique d'artistes sans emploi et, en parallèle, un certain manque de techniciens dans les domaines des arts appliqués économiquement viables, sont peut-être encore plus évidentes aujourd'hui qu'hier.
En effet, les écoles et facultés d'art, d’où sortent les futurs enseignants et artistes, restent excessivement dépendantes d'une politique qui encourage de façon factice les créations et apprentissages qui privilégient la notion vague d'originalité, tout en négligeant gravement les aspects techniques et historiques. Ces institutions ne remplissent plus leur rôle traditionnel de transmettre un savoir et les savoir-faire qui l'accompagnent, la plupart du temps elles ont renoncé à proposer une instruction technique basée sur un type défini de réalisation normée. Pour se justifier, elles n'ont eu d'autres solutions que de se rabattre sur une pédagogie subjective qui valorise la théorie et la recherche, sur un modèle prétendument inspiré par les sciences, mais là, sans aucune finalité.
Dès lors et comme tout s'enchaîne, comment ne pas légitimement se poser des questions et mettre en doute les compétences des professeurs et, bien sûr, leurs enseignements dispensés par les écoles d'art et facultés.
Travaux d'élèves et concours
Avec le concours du Torse ou de la demi-figure peinte, on atteint des sommets dans la figuration, dans le rendu des lumières et des chairs. Certaines études sont même très proches de l'hyperréalisme des années soixante-dix, mais ici les toiles n'ont pas reçu d'émulsion "photographique" et le sujet est traité d'après nature, jamais par projection. Pas d'artifice dans la frabrication, pas de collage ni de concept particulier, seulement une toile et des couleurs à l'huile. Ces figures imposées par l'Académie témoignent, de façon incontestable, des qualités techniques des élèves de cette époque.
* Héritière de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, d’une part, de l’Académie royale d’Architecture, d’autre part, et de l’Académie royale de Musique enfin, instituées au XVIIe siècle, l’Académie des Beaux-Arts, ainsi dénommée en 1803, est l’une des cinq classes qui forment l’Institut de France dont les autres compagnies sont l’Académie française, l’Académie des Sciences, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et l’Académie des Sciences morales et politiques.
Travaux d'élèves : Concours de la Tête d'Expression Peinte
Le nu féminin ne fera son entrée dans les ateliers que dans les années 1880.
Ce qui n'empêchera pas les jeunes femmes - habillées - d'être très sollicitées pour le concours de la Tête d'expression.
L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, communément dénommée "Beaux-Arts de Paris", est une école d'art qui fut prestigieuse et reconnue dans le monde entier. Il s'agit d'un établissement public national, relevant directement de la tutelle de l'État par l'intermédiaire du ministère chargé de la culture.
Les beaux-arts, proprement dit, étaient au nombre de quatre : peinture, sculpture, gravure, avec l'architecture jusqu'en 1968, date à laquelle le ministre de la culture, André Malraux, en réponse à la crise de l'académisme portée par les conflits politiques, créa huit unités pédagogiques d'architecture réparties sur tout le territoire. Depuis, ces unités pédagogiques ont été transformées en écoles nationales supérieures d’architecture.
Pour les trois autres disciplines : Peinture - Gravure - Sculpture, les études se déroulent en moyenne sur cinq années.
Le recrutement se fait par concours, initialement une épreuve de dessin - une épreuve dans la discipline choisie et, surtout actuellement, par la présentation d'un dossier de travaux effectués auparavant suivie d'un court entretien avec quelques professeurs de l'École. Pour les ressortissants français, l'admission à l'école des Beaux-Arts de Paris se prépare parfois dans des écoles de province. La réforme de 1969 a permis de démocratiser l'admission à l'école ; d'un recrutement ultra sélectif, seulement quelques dizaines d'élèves, on est alors parvenu à un nombre d'environ 500 étudiants admis pour près de 1400 postulants (dont 200 entrent directement en atelier).
L'étudiant reste libre de prendre le temps qui lui convient pour passer son diplôme mais il doit en principe, pour le présenter, obtenir l'accord du chef d'atelier et avoir validé une douzaine d'Unités de Valeurs, correspondant à autant de cours magistraux ou d'atelier spécialisés. L'élève artiste peut aussi mener un cursus libre d'un atelier à l'autre, d'une discipline à l'autre et même passer les différents diplômes correspondant aux différentes disciplines.
Le recrutement des professeurs ?
Jusque vers 1985, le Collège des chefs d'atelier, souvent des artistes renommés, était recruté par cooptation externe ou interne d'anciens élèves, devenus assistants. Sous le ministère de Jack Lang le recrutement collégial fut supprimé pour un choix effectué directement par le ministère.
Ecole des Beaux-Arts de Paris - Figure dessinée
Dessins scolaires de peintres ou sculpteurs, XIXème siécle
Fin du XIXème, l'Ecole est alors à son apogée, tant au niveau de sa discipline de base le dessin - d'après le plâtre antique - le tracé en perspective - les études anatomiques et documentaires - le nu académique - qu'au niveau des disciplines enseignées dans les ateliers de peinture, sculpture et gravure, sans oublier sa position dominante appliquée à l'apprentissage des arts de l'architecture. Entre 1848 et 1914, par exemple, plus de quatre cents architectes américains seront formés par l'école des Beaux-Arts de Paris, ces études n'étant pas encore dispensées dans leur pays. Par la suite, le prestige des architectes de formation française, comme Raymond Hood, incitera leurs cadets à les imiter. Les édifices de "style Beaux-Arts", courant à New York, sont même actuellement remis à l'honneur. Les trois autres disciplines, gravure, sculpture et peinture ne sont pas en reste, et nombreux seront les artistes étrangers à subir l'influence de l'Ecole ou à fréquenter ses ateliers.
En 1863, avec la transformation de l'école royale en école impériale, l'emprise de l'Académie se trouvera réduite avec la désignation du directeur et des professeur directement par le ministère responsable de l'école. Des ateliers préparatoires à l'école et des cours gratuits sont alors mis en place. Des ateliers officiels sont créés dans chacune des quatre sections. Dans celle d'architecture, il y en aura trois, mais des ateliers libres subsistent, on en dénombre 7 en 1907.
Cette organisation du système pédagogique dépendante d'un ministère - de l'Education - est confirmée par le décret du 30 septembre 1883. Néanmoins, l'organisation du Prix de Rome demeurera toujours entièrement sous la responsabilité de l'Académie des Beaux-Arts.
Les mouvements politiques et sociaux de mai et juin 1968 inciteront le ministre de la culture à réformer en profondeur cette grande école et à rompre avec l'académisme, afin d'apaiser les conflits et les revendications. L'architecture sera séparée des autres disciplines, des unités pédagogiques d'architecture seront créées sur tout le territoire ; elles deviendront les Écoles d'architecture, puis en 2005, les Écoles nationales supérieures d'architecture.
La situation historique et culturelle exceptionnelle des Beaux-Arts de Paris attire de nombreux élèves-artistes étrangers et des départements français, cette situation permet de fait, outre les cours magistraux, des études par immersion-imprégnation directe, grâce à la présence d'artistes renommés comme professeurs "Chef d'Atelier" - grâce à l'existence de nombreux musées d'arts ou d'autres domaines - grâce à la proximité de l'Académie des Beaux-Arts et de très nombreuses galeries d'art et ateliers d'artistes. Autrement dit, l'Ecole et la Capitale constituent des lieux de relation avec des artistes et marchands confirmés, des critiques et autres personnes de pouvoir, passages incontournables pour entrevoir raisonnablement toute carrière artistique.
Sites consultés :
Cat’zArts, tire son nom du bal des Quat’z-arts organisé par les élèves des quatre sections de l’Ecole, c'est un catalogue informatique qui présente les œuvres des collections de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Ces collections, héritées des Académies royales, augmentées par des donations et par les travaux scolaires jusqu’en 1968, sont extrêmement variées et comportent aussi bien peintures, sculptures, objets d’art, dessins de maîtres et d’architecture, que photographies, estampes ou Livres et manuscrits.
Sur un total de plus de 450 000 œuvres, 75 000 figurent déjà dans la base.