Fin de siècle, Atelier de Jules Cavelier Aux Beaux-Arts de Paris
et celui d'Ilya Repine à l'Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg.
Des Beaux-Arts de Paris à la Villa Médicis en passant par les ateliers libres. Des académies, une école, un style, connus et imités dans le monde entier ?
L'École nationale supérieure des Beaux-Arts, alors la plus grande école d'art en France, est l'héritière d'une longue histoire, commencée avec la fondation par Louis XIV des Académies royales de peinture et de sculpture en 1648, puis d'architecture en 1671. Ces compagnies, abolies par le gouvernement de la Convention en 1793, subsistent quelques années sous forme d'écoles académiques pour fusionner en une seule institution sous le Premier Empire, l'École des Beaux-Arts proprement dite ne naissant véritablement qu'en 1819.
Après avoir successivement occupé des salles du Louvre, puis du Collège des Quatre Nations, aujourd'hui l'Institut, l'École s'installe définitivement rue Bonaparte en 1829, sur le site de l'ancien couvent des Petits-Augustins, au centre de Paris et du quartier de Saint-Germain-des-Prés.
L'École nationale des Beaux-Arts possède les collections accumulées au cours de ses trois cent cinquante ans d'existence. C'est-à-dire un patrimoine légué par les Académies royales puis régulièrement augmenté jusqu'en 1968 des travaux de ses élèves avec les dépôts réglementaires et les Prix de Rome notamment, mais aussi de tous les modèles pédagogiques acquis pour leur formation ainsi que de donations exceptionnelles.
Fortes de près de 450 000 œuvres et ouvrages, les collections de l'École des Beaux-Arts de Paris permettent ainsi de reconstituer l'histoire de l'enseignement de l'art officiel en France, qui essaima dans le monde entier, en attirant des étudiants de tous les continents et en imposant le fameux style "beaux-Arts".
Si ces collections ne sont pas présentées de façon permanente, elles font l'objet d'expositions régulières au sein de l'Ecole. S'agissant des dessins, le cabinet Jean Bonna a été inauguré en 2005 : deux expositions y sont organisées chaque année à partir du fonds de l'Ecole.
Pour espérer faire partie des élus en résidence à la Villa Médicis, il est nécessaire d'intégrer l'école des Beaux-Arts et de réussir les fameux concours de l'Académie, et le plus symbolique d'entre tous, celui de peinture. Alors on se prépare uniquement entre garçons avec plus ou moins de fébrilité, parfois de mesquinerie, dans le cadre des cours dispensés par l'école naturellement, mais également par ceux donnés dans les ateliers des Académies libres, comme ceux de la très réputée Académie Julian. Cette dernière sera d’ailleurs la première à s'ouvrir aux jeunes-femmes et l’Académie Julian comptera parmi ses maîtres-enseignants William Bouguereau qui reste, encore aujourd'hui, le symbole de la "mauvaise peinture", habile certes, mais soi-disant artificielle, dénuée d'inspiration et guidée surtout par le désir de plaire et l'appât du gain.
L’activité emblématique de Bouguereau, peintre-enseignant, Professeur dès 1888 à l'École des Beaux-Arts et à l'Académie Julian avec ses peintures exposées annuellement au Salon de Paris, couvre toute la seconde partie du XIXème siècle, de la Zénobie retrouvée par les bergers de 1850 - son prix de Rome - à la Jeune prêtresse de 1902 - Rochester, Memorial Art Center. Petit mais trapu, les yeux bleus, le visage régulier et le poil dru, le peintre n’avait rien d’antipathique. Il se montra toujours un ami fidèle et un pédagogue attentif, facile d’accès, aux conseils avisés. Sa correspondance traduit une affection profonde à l’égard de son épouse Nelly, et pour se remarier à son élève Élisabeth Gartner il attendit qu’eût disparu sa mère, hostile à ce projet. L'artiste usa également de sa grande influence pour permettre l'accès des femmes à de nombreuses institutions artistiques en France, y compris l'Académie française.
Il faut replacer William Bouguereau dans le contexte de l'époque. Au moment où il prépare le Prix de Rome, la grande nouveauté parisienne est le Combat de coqs de Jean-Léon Gérôme, futur professeur et académicien, autrement dit la tendance s'oriente vers une certaine rupture avec le "Romantisme", avec un retour à l’Antiquité, au nu, au beau drapé, aux couleurs claires et aux volumes précis.
L'enseignement officiel de cette fin de siècle sera donc typique de ce que l'on nomme "art académique". C'est-à-dire une forme d'art qui s'appuie sur la mise en oeuvre de techniques apprises et maîtrisées, où le dessin à partir du nu tient une grande place, le tout au service de sujets à prédominance mythologique et historique.
Les premières participantes au Prix de Rome
Trois ans après la création d'un atelier spécifiquement féminin, l’Atelier Humbert, en 1903, les femmes furent autorisées à se présenter au Prix de Rome et la première à l'obtenir sera Lucienne Antoinette Heuvelmans, Prix de Rome de sculpture avec "La soeur d'Oreste défendant le sommeil de son frère", en 1911.
Pour participer aux concours annuels des prix de Rome de peinture, de sculpture et de gravure, les postulantes, à l'égal de leurs homologues masculins, doivent présenter une lettre de recommandation d'un maître reconnu, être de nationalité française, célibataire, avoir moins de trente ans et avoir réussi l'examen d'admission à l'Ecole des Beaux-Arts. Les étudiantes pourront présenter le concours à plusieurs reprises. Il n'y aura qu'un seul atelier de ce type jusqu'à la fin des années vingt.
Les jeunes femmes artistes prendront en quelque sorte leur revanche dès les années soixante-dix, et deviendront même majoritaires au niveau des effectifs dans les écoles d'art à partir des années quatre-vingt. Mais ladite revanche viendra probablement un peu tard, d'abord parce que le Prix de Rome a été supprimé en 1968, ensuite et en restant lucide, à l’heure de l’art contemporain roi et de l'innovation pour l'innovation, de la désacralisation et de la dérision comme modèle, peut-on toujours parler d'école et d'apprentissage dispensé ? Et que peut-il bien rester des savoirs et des maîtrises techniques ?
Jeunes concurrentes pour le Prix de Rome
Le dernier succès féminin, c'est Mlle Heuvelmans qui vient de le remporter. Elève de Marqueste, elle a eu la fortune exceptionnelle et qui n'était jamais encore arrivée à une femme d'obtenir le premier second Grand Prix. Elle a accepté cette récompense avec une joie toute intime et s'est dérobée aux épanchements : " Je n'ai rien fait de sensationnel et je n'ai rien à dire sinon que j'ai toujours eu un goût pour le dessin, que j'ai travaillé le plus sérieusement possible pendant les six années que j'ai déjà passées aux Beaux-Arts et que j'emploierai les deux années que je puis encore y passer à essayer d'obtenir le Grand Prix de Rome". Ajoutons que Mlle Heuvelmans est elle-même professeur de dessin dans les écoles de la Ville de Paris et qu'elle a obtenu ce titre à l'âge de vingt ans, ce qui constitue encore une remarquable exception. cf/ Fémina, 15 août 1909
Février 1914, dans le parc de la Villa Médicis, les premiers lauréats du Prix de Rome de musique posent en compagnie des sculpteurs, architectes et du graveur André Maillard.
Lucienne Heuvelmans figure en sombre à côté de Lili Boulanger, Prix de Rome de musique.
L'histoire des femmes Prix de Rome commence par celle des « demoiselles Médicis », première génération uniquement composée par Lucienne Heuvelmans et Odette Pauvert. Bien que ces deux artistes aient suivi un parcours normalisé par l'Académie, elles font encore figures d'exception. Dans une société continuant de considérer la femme comme naturellement inférieure et socialement mineure, dans un milieu artistique où domine la certitude de l'existence d'une sensibilité diverse des hommes et innée aux femmes, ces deux femmes artistes parviennent à intégrer l'élite artistique consacrée par l'Académie des Beaux-Arts dont les valeurs artistiques sont paradoxalement fondées sur des critères masculins.
La fin de la seconde guerre mondiale annonce l'apparition d'une nouvelle génération de femmes Prix de Rome. Le nombre relativement plus élevé de ces dernières suggère la normalisation de leur statut ; une émancipation liée à l'évolution du contexte social, les femmes étant enfin reconnues civilement. Si pour l'ensemble de ces lauréates l'enjeu n'est plus tellement de légitimer leur condition de femmes artistes, mais leur reconnaissance comme artiste Prix de Rome dans un milieu artistique toujours plus dominé par l'art moderne, les années soixante marquent une séparation entre les deux dernières générations de femmes Prix de Rome. Séjournant à la Villa Médicis entre les années quarante et cinquante, M. Lavanture (PR 1938), E. Beaupuy-Manciet (PR 1947), F. Boudet (PR 1950) et A. Budy (PR 1959), appartiennent à une génération d'élèves formés dans une École des Beaux-Arts s'ouvrant progressivement à la modernité, mais encore profondément attachée à la conservation d'un enseignement traditionnel. Évoluant dans les années soixante, la dernière génération de Prix de Rome, acquière, elle, une indépendance plus sensible face à l'Académie. J.G Deyme (PR 1963), J. Chévry (PR 1966), A. Houllevigue (PR 1967) et M.Voisin (PR 1968), dernières femmes à monter en loge, sont les représentantes d'une génération marquée par une politique culturelle dynamique, mise en place par le charismatique mais controversé Ministre des Affaires Culturelles, André.Malraux.
Bientôt, et malgré le nouvel esprit indépendant qui s'empare de l'Ecole, la révolution sociale de mai 68, entraîne la suppression brutale du système académique, et, avec lui, du concours du Prix de Rome. Les deux dernières générations de Prix de Rome, doivent alors faire face, à partir des années soixante-dix, aux mêmes nouveaux critères et mécanismes structurant un champ artistique profondément modifié et plus que jamais dépendant de la conjoncture économique.
Delphine Sicurani, « Les femmes Prix de Rome de Peinture et de Sculpture (1911-1968 », mis en ligne le 06 juillet 2009, Consulté le 21 mars 2010.
Villa Médicis, les pensionnaires - fin XIXème
Pas de femmes sur ces clichés. Et pour cause, pour être admis à participer aux concours des Prix de Rome, il faut passer par l'Ecole des Beaux-Arts et les femmes n'y seront admises, d'abord dans quelques cours puis dans des ateliers séparés, qu'à partir de 1896. Pour s'inscrire à l'Ecole elles doivent formuler une requête écrite, être âgées de quinze à trente ans, et présenter un acte de naissance ainsi qu'une lettre de recommandation d'un professeur ou d'un artiste confirmé. Pour les prétendantes étrangères une lettre de leur consulat ou de leur ambassade.
Au XIXème siècle, sous l'égide de l'Etat et de l'académie des Beaux-Arts, les femmes artistes avaient néanmoins la possibilité d'exposer au Salon officiel de Paris leurs tableaux et sculptures sélectionnés par le jury. En 1800, 66 oeuvres sont ainsi présentées, c'est-à-dire environ 12% du total. En 1900 ce chiffre augmente sérieusement et passe à quelques 609 oeuvres, un peu plus de 21% des œuvre de l'exposition. La technique de prédilection des femmes reste cependant l'aquarelle mais la peinture à l'huile gagne peu à peu du terrain.
Les possibilités pour elles de se former réellement commencent au milieu du siècle avec l'ouverture, vers1860, d'un cours professionnel destiné aux femmes par le peintre Charles Chaplin. Il fut suivi par d'autres, notamment Tony Robert-Fleury à l'académie Julian à partir des années 1870. Cependant les cours n'étaient pas aussi complets que ceux destinés à leurs homologues masculins : les horaires étaient différents, les professeurs moins nombreux, les études d'après nu non autorisées, et les cours d'anatomies absents.
En 1881, Hélène Bertaux-Pilate, sculpteur et belle-fille du sculpteur Pierre Hébert, fonda l'Union des femmes peintres et sculpteurs qui mena une campagne énergique en faveur de la mixité à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. L'association obtint gain de cause en 1896, mais partiellement, puisque les cours de dessins d'après nature et les concours des prix de Rome restaient exclusivement réservés aux Hommes.