mardi 21 février 2012

La mixité des Beaux-Arts


Vers la mixité des Beaux-Arts
A partir de 1896, les jeunes femmes auront la possibilité de fréquenter la bibliothèque de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et pourront aussi assister aux cours magistraux de perspective, anatomie et histoire de l'art, à condition qu'elles aient bien rempli les conditions d'admission.
Elles doivent formuler une requête écrite, être âgées de quinze à trente ans, et présenter un acte de naissance ainsi qu'une lettre de recommandation d'un professeur ou d'un artiste confirmé. Pour les prétendantes étrangères une lettre de leur consulat ou de leur ambassade.
Cette ouverture de l'Ecole, relativement peu sélective, est très appréciée non seulement pour son émulation mais surtout pour son prix de revient. Rappelons qu'alors, seuls les ateliers ou académie privés offraient quelques possibilités d'études aux femmes-artistes mais avec des coûts élevés, généralement deux fois supérieurs à ceux demandés aux étudiants masculins.

C'est en 1900, onze ans après la première demande formelle d'admission aux Beaux-Arts déposée par Madame Bertaux, que les femmes pourront entrer dans un atelier de l'Ecole ; atelier qui leur sera tout spécialement destiné. Celui-ci, sera codifié comme ses homologues masculins et réglé dans ses moindres détails par des instructions réparties en quarante deux articles.
Pour suivre la tradition établie, un massier ou plus exactement une massière, représente les intérêts des élèves de l'atelier. Cette responsable dispose de certains pouvoirs, elle est habilitée à entretenir un lien entre les étudiantes et le professeur Humbert, membre de l'Institut, à lui poser des questions, à risquer quelques objections. Le choix des modèles et de leurs attitudes, plus ou moins longues en fonction de l'étude envisagée, étaient déterminés à la majorité, la massière se contentant d'officialiser matériellement le choix par des marques à la craie sur l'estrade réservée à la pose. Celle-ci pouvait encore intervenir lors d'une éventuelle concurrence concernant la meilleure place, la meilleure lumière pour dessiner, pour peindre.
Trois ans après la fondation de cet atelier, en 1903, les femmes furent autorisées à se présenter au Prix de Rome et la première à l'obtenir fut Lucienne Antoinette Heuvelmans, Prix de Rome de sculpture avec "La soeur d'Oreste défendant le sommeil de son frère", en 1911.
Il n'y aura qu'un seul atelier de ce type jusqu'à la fin des années vingt. Les jeunes femmes artistes prendront en quelque sorte leur revanche dès les années soixante-dix, et deviendront même majoritaires au niveau des effectifs à la fin des années quatre vingt.

Atelier Sicard, École des Beaux-Arts vers 1917
Lorsque Madeleine Fessard entre aux Beaux-Arts en 1917, les femmes n’y sont alors admises qu’avec de nombreuses restrictions et il s’agit d’un cursus encore rare pour une femme.
En effet, créée en 1796, l’École des Beaux-Arts ne s’ouvrit aux femmes qu’en 1897, mais sans qu’elles puissent toutefois accéder aux ateliers et aux concours.
Dans les années vingt, le nombre de leur entrée « en loge » pour le prix de Rome reste limité, et les conditions qui leur sont faites ne sont pas toujours équitables. L’accès aux mêmes ateliers que les élèves hommes leur reste notamment fermé pour « inconvenance ».
Madeleine entre en 1917 dans l’atelier de Marqueste. Elle est également mentionnée parmi les élèves femmes de Ségoffin. Elle figure aussi sur la liste des élèves de François Sicard (1862 - 1934), prix de Rome, qui sera le créateur du Monument aux Morts de Fécamp (1923). Reçue à titre temporaire le 13 mai 1921, elle le sera à titre définitif le 8 décembre 1924, grâce à une troisième seconde médaille au concours de la figure modelée.






Cf/ L'Entrée des femmes à l'Ecole des Beaux-Arts 1880-1923 - Marina Sauer - énsba-a 1991 / Les Musées de Haute-Normandie

Une séance de modèle vivant dans un atelier de l'académie Julian.

Certes, en écrivant cette délicate comédie, la Massière, que l'Illustration va publier dans un de ses plus prochains numéros, M. Jules Lemaitre n'eut pas un seul moment la pensée de donner une pièce à clef, et la malignité des spectateurs chercherait en vain à mettre un autre nom, connu, sur la figure de Marèze, bon peintre et brave homme, en dépit de sa pointe de fatuité. Toutefois, les artistes, tout Parisien ayant côtoyé, si peu que ce soit, le monde des arts, ont reconnu sans peine le cadre pittoresque et amusant où se déroule une partie de la pièce: «l'atelier Justinien» du premier acte, c'est, bien évidemment, l'un des ateliers Julian.

Les cinq massières des ateliers Julian. Photographies Bouffar.

Et on l'a si bien vu qu'on a, dès le premier jour, rappelé que la principale interprète de la Massière était dans des conditions excellentes pour jouer au naturel toute une partie du rôle. Mlle Marthe Brandès, en effet, fut elle-même élève de l'académie Julian.
Elle eut sa place, son tabouret de bois grossier, son chevalet, dans le demi-cercle des jeunes filles, plus ou moins appliquées, groupées autour de la table à modèle. Elle connut, bien avant de jouer leur rôle au théâtre, des massières, de vraies massières, qui lui arrangeaient ses petites natures mortes, au besoin lui corrigeaient ses dessins, la conseillaient, si elle le demandait, remplissaient, avec zèle, en bonnes camarades, le rôle de «moniteurs».
Elle passa. Brilla-t-elle ?
Je le demandais l'autre jour à M. Rodolphe Julian lui-même, le fondateur de cette école libre qui, autant, plus peut-être, que l'officielle École des beaux-arts, a contribué à faire de Paris un centre unique pour l'enseignement artistique, a dérivé, capté les courants qui portaient jadis les jeunes artistes désireux d'apprendre leur métier vers l'Italie, vers l'Allemagne, à Munich, à Dusseldorf.

Quels souvenirs charmants à feuilleter que ceux de M. Julian ! Que de gracieuses, d'exquises silhouettes il évoque, rien qu'à prononcer les noms de quelques-unes de ses élèves : de la plus tapageusement célèbre de toutes, Mlle Bashkirtsef, à la princesse Terka Iablonovska, aujourd'hui Mme Maurice Bernhardt; de Mme Jules Ferry à Mlle Canrobert, qu'accompagnait souvent le maréchal lui-même ; de Mlle Carpeaux, la fille du génial sculpteur, à Mlle Cécile Baudry, héritière aussi du nom d'un grand artiste; et Mme la princesse Murat, et Mme Henri Rochefort, condisciples à l'atelier de MM. Bouguereau et Gabriel Ferrier, rue de Berri; la comtesse Demidoff et miss Maud Gonne: Mlles Basponi, nièces de la princesse Mathilde, et Mlle Pauline de Bassano, mêlées à des femmes peintres célèbres d'aujourd'hui ou de demain, à Mme Jacques Marie, à Mme Baudry-Saurel, femme aujourd'hui de M. Julian et professeur à l'école, à Mlle Louise Breslau, à cette exquise Mlle Dufau.
Mais Mlle Marthe Brandès, insistai-je.
Elle resta, dit M. Julian, peu de temps notre élève. Elle eut pour maître Cot, l'auteur de la populaire Mireille, et je crois, Tony Robert Fleury. Elle était douée, en vérité. Peut-être courait-elle trop de lièvres à la fois, travaillant de front le chant, la peinture, la comédie. Elle eut son prix au Conservatoire. Elle nous quitta. Mais elle était délicieuse. Au milieu même de cette phalange de jeunes et jolies Américaines qui emplissait l'atelier, elle rayonnait. Elle était la beauté, le charme, le printemps !
Et, ainsi, l'on pourrait dire, paraphrasant l'épitaphe antique «Elle dessina et plut». G. B.